Qu’est ce que l’évaluation des politiques publiques ?
L’usage courant du mot évaluation renvoie à deux notions ; la première fait référence au jugement établi par rapport à une situation ou une personne, par exemple l’évaluation des étudiants. La seconde concerne la mesure approximative faite de quelque chose (évaluer une distance).
Dans le domaine des sciences politiques et plus spécialement le “New Public Management”, L’évaluation est à cheval entre plusieurs disciplines. Dans cet article, nous expliquons ce qu’est l’évaluation des politiques publiques (désormais EPP en abrégé) et surtout nous spécifions ce qu’elle n’est pas.
Qu’est ce que l’EPP ?
Il n’existe pas de consensus autour de la définition de l’évaluation des politiques publiques (désormais EPP en abrégé). Chaque organisme adopte la définition qui correspond le mieux à sa vision, ses missions et ses objectifs. Voici quelques définitions :
Pour l’OCDE/CAD, l’évaluation des politiques publiques est « l’appréciation systématique et objective d’un projet, d’un programme ou d’une politique, en cours ou terminé, de sa conception, de sa mise en œuvre et de ses résultats. Le but est de déterminer la pertinence et l’accomplissement des objectifs, l’efficience en matière de développement, l’efficacité, l’impact et la durabilité. Une évaluation devrait fournir des informations crédibles et utiles permettant d’intégrer les leçons de l’expérience dans le processus de décision des bénéficiaires et des bailleurs de fonds. »
Le gouvernement du Canada définit l’évaluation de programme comme une démarche rigoureuse de collecte et d’analyse d’information qui vise à porter un jugement sur un programme, une politique, un processus ou un projet pour aider à la prise de décision. Elle permet d’apprécier à la fois la pertinence du programme, l’efficacité avec laquelle ses objectifs sont poursuivis, l’efficience des moyens mis en place ou sa rentabilité, ainsi que son impact »
En France, un décret de 1990 précise : « évaluer une politique, c’est rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés ».
Plusieurs chercheurs en sciences politiques et sociales ont également proposé des définitions dans leurs publications. De manière générale, Scriven présente l’évaluation comme «un processus de détermination du mérite, de l’utilité et de la valeur de quelque chose. »(Scriven, 1991). Pour Weiss, l’EPP est « une appréciation systématique de l’opérationnel et des impacts d’un programme ou d’une politique, à la une de standards explicites, de façon à améliorer le programme ou la politique. » (Weiss, 1998).
Plus récemment, Bernart Perret donne la définition suivante : « l’évaluation d’une action publique –politique, programme, plan d’action, projet, etc. – consiste en un examen portant à la fois sur les conditions de mise en œuvre, le processus et les différentes conséquences de cette action (résultats, effets, impacts), mené dans un cadre institutionnel plus ou moins formalisé dans le but de rendre des comptes, d’améliorer cette action et/ou d’éclairer les décisions (notamment budgétaires) la concernant. » (Bernart Perret 2016).
La plupart des définitions mettent en exergues trois dimensions à savoir : les finalités de l’EPP, l’opérationnalisation de l’EPP et l’institutionnalisation de l’EPP.
Ces trois dimensions seront détaillées dans des articles ultérieurs.
l’évaluation des politiques publiques vise à mesurer les effets propres d’un programme ou d’une politique et, en fonction de critères établis (efficacité, efficience, cohérence…), à porter un jugement sur sa pertinence. Elle est fondamentalement ordonnée autour d’une démarche destinée à éclairer les choix des décideurs publics, elle traduit une volonté d’amélioration des résultats et impacts de l’action.
Quelles sont les finalités de l’EPP ou pourquoi évaluer ?
L’EPP a plusieurs finalités entre autres : aider à la décision, améliorer les performances, accroitre les connaissances, émuler le débat public, responsabiliser les acteurs, faciliter la convergence et la cohérence des politiques publiques. Ces finalités peuvent être classées selon les dimensions suivantes :
- Éthique : l’EPP permet la reddition de compte aux preneurs de décision et aux citoyens sur les dépenses publiques. Elle permet d’assurer l’équité (sociale, territoriale) dans la répartition des ressources publiques (équité sociale, territoriale) .
- Managériale : améliorer les performances à travers un meilleur ciblage, une garantie de l’efficacité, l’efficience et de la pertinence de l’action publique ainsi qu’une répartition adéquate des ressources allouées aux programmes publics.
- Décisionnelle : présente un outil puissant au service des décideurs pour analyser et prendre de bonnes décisions sur la continuation, sur l’arrêt des programmes et des actions.
- Éducationnelle et motivationnelle : permet d’émuler le débat public de renforcer les capacités des acteurs, de construire sur les expériences réussies et éviter les erreurs, apprendre sur les projets publics, comprendre les processus en vue de concevoir de meilleures politiques, et d’être plus performant dans leur mise en œuvre.
Quand réaliser une EPP ?
Il est possible voire souhaitable de réaliser une évaluation tout au long du cycle de vie d’une politique publique :
- D’abord au moment de la conception : on parle d’EPP Exante. Il s’agit principalement d’estimer la pertinence de l’action publique et de présenter les éléments de sa théorie de changement afin de faciliter la prise de décision, de cadrer le périmètre de la PP.
- En cours de mise en œuvre de la PP : on parle souvent d’EPP à mi-parcours, parfois les fréquences d’évaluation sont proposées en fonction des jalons de mise en œuvre du programme publique. Ce type d’évaluation exploite les résultats du suivi et permet d’apporter les ajustements nécessaires à la politique publique , de prendre en considération les éléments contextuels récents, de prévoir des actions complémentaires.
- À la fin de la mise en œuvre, et au-delà : on parle alors d’évaluation ex-post. L’évaluation vise dans ce cas la mesure des effets et des impacts à cours, moyen ou sur le long terme de la politique publique évaluée. Elle permet aussi de mesurer la performance (efficacité et efficience) et de donner un jugement sur l’adéquation des ressources et des moyens avec les résultats obtenus.
Qu’est-ce que l’EPP n’est pas ?
De par sa finalité prioritairement correctrice, l’EPP est différente des activités de contrôle, d’audit, de vérification et de suivi.
- L’EPP diffère des activités de contrôle de gestion qui sont en général adossées à des systèmes de régulations ou de sanctions.
- L’évaluation est également différente de l’inspection et de l’audit, qui vise à appréhender si les procédures sont correctement appliquées et participent à réduire l’occurrence d’évènements ou de tendances non désirées.
- L’évaluation n’est pas un mécanisme de vérification, de comparaison par rapport à des procédures établies, c’est plutôt une appréciation dynamique de la variation des effets des politiques publiques en fonction de plusieurs paramètres. Cette appréciation, qui ne peut être impersonnelle comme dans le contrôle ou l’audit comporte également un effort raisonné d’interprétation.
- L’EPP est différente du suivi et du monitoring qui vise à connaitre l’état d’avancement de la mise en œuvre des intrants, extrants et des activités de manière continue ou périodique. Alors que l’évaluation est une action épisodique, qui cible l’amélioration de la performance de l’action publique et permet de vérifier ses effets sur le long terme (évaluation d’impact). L’EPP et le suivi sont pour autant très liés. Le suivi permet de repérer les principales difficultés de mise en œuvre qui peuvent donc déclencher une évaluation (ou un choix particulier de questions d’évaluation), il donne des renseignements précieux à l’évaluation (sans suivi on perd du temps d’évaluation pour récolter de nombreuses données de mise en œuvre).
Dans sa finalité l’EPP est fondamentalement ordonnée autour d’une démarche à la fois de connaissances, d’apprentissage et de mesure des effets des actions publiques. Destinée à éclairer les choix des décideurs publics, elle traduit une double volonté à la fois d’amélioration des résultats et impacts de l’action publique et de mise en débat de ses réalisations, de ses effets.
PERRET Bernard, « 3. L’évaluation des politiques publiques », Regards croisés sur l’économie, 2016/1 (n° 18), p. 45-57. DOI : 10.3917/rce.018.0045. URL : https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2016-1-page-45.htm
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